3 janv. 2011

Merci Wikileaks

La mise à nu des secrets du pouvoir est ce dont rêve tout journaliste et ce dont a besoin tout citoyen. C’est au cœur de mon enthousiasme pour la révolution digitale. Je suis donc ravi. Merci Wikileaks. Telle est ma réponse à ceux d’entre vous qui m’ont demandé par courriel ce que j’en pensais (j’en avais dit quelques mots sur L’Atelier des médias de RFI ) et mes excuses pour ce retard à le faire.

 J’apprécie particulièrement que le rapport - trop souvent complice - entre médias et pouvoirs vole en éclat. Nous ne sommes plus les seuls à pouvoir informer. Il suffit pour cela qu’un individu ayant accès à des informations que des puissants voulaient garder secrètes ait le courage de les publier ce que les journalistes ne font pas toujours. Car, le héros dans cette affaire n’est pas Wikileaks mais Bradley Manning, le soldat de première classe qui semble avoir fourni les documents. 
Wikileaks fonctionne comme intermédiaire en communiquant les documents bruts à des journaux ayant les moyens de les analyser et les mettant en ligne pour s’assurer que personne ne soit tenté d’étouffer l’affaire. Big Brother reste un danger auquel nous devons toujours être attentif. Mais les puissants d’aujourd’hui ont intérêt à se tenir à carreau, nous les avons à l’œil et nous avons les moyens de diffuser ce que nous savons d’eux. Tout le monde n’est pas journaliste mais tout le monde peut informer. Et le plus merveilleux c’est que nous, journalistes, y retrouvons un rôle. 
Nous devrions remercier Julian Assange pour son initiative et dénoncer l’acharnement des puissants dont il est maintenant la victime. (Voir sur ce sujet ces deux billets de Jay Rosen, sur “la première organisation mondiale d’information sans État” et sur l’évolution de la presse étatsunienne entre la couverture de l’intervention en Irak par le New York Times et la contribution de Wikileaks). Sans les centaines de professionnels mis sur le coup par les quotidiens ayant bénéficié d’un accès préalable aux documents de Manning, nous, citoyens, aurions le plus grand mal à nous y retrouver dans cette masse de documents. 
Les journalistes ont fait les vérifications nécessaires et ont organisé les dossiers pour les rendre intelligibles. Dans un billet publié sous le titre “Voici enfin ce que j’appelle une société informée”, Charlie Becket, directeur de l’école de journalisme de la London School of Economics écrit que ces révélations sont, je cite, “une expérience en direct sur comment informer le monde grâce au journalisme en réseau, à la combinaison des technologies et des pratiques des nouveaux média, de ceux des médias traditionnels et des principes journalistiques qui sont au cœur de notre métier”. 

 Mais, plus important encore que les implications journalistiques, l’affaire pose la question de la transparence et de ses excès éventuels. Paradoxe qui ne manque pas de sel, elle était le premier objectif de l’équipe Obama à son arrivée à la Maison Blanche. Il suffit de rappeler l’ouverture du site Data.gov sur lequel on trouve maintenant des centaines de milliers de paquets de données. Mais il y a sans doute des limites. Lawrence Lessig, l’apôtre de la culture libre et ouverte avait déjà surpris beaucoup de monde en octobre 2009 dans un article intitulé “Contre la transparence”.

 Il y attirait notre attention contre les excès de la transparence qui, excellente en général, peut présenter des dangers si elle est trop radicale. Celui, notamment, de faire perdre toute confiance dans nos systèmes politiques à commencer par la démocratie. La réponse n’est pas évidente. Je pense que nous aurons beaucoup à réfléchir sur cette question et à en débattre dans les années qui viennent. 
 Une chose encore: 

 La guerre virtuelle que se sont lancés partisans et adversaires d’Assange et de Wikileaks ouvre tout un nouveau chapitre sur lequel je reviendrai. Il me rappelle l’importance des pirates et des corsaires dans la répartition des richesses du nouveau monde juste après la conquête des Amériques. Des espaces sans loi semblent indispensables à certaines formes de croissance économique consubstantiellement liée à l’usage de la violence sous différentes formes. L’art consiste à les créer.

1 commentaire :

Anonyme a dit…

Alors Basile...Toujours pas la signature de Francis Pisani au bas de l'article ?

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