Dans une analyse des journalistes tués dans le monde en 2009, les membres
de l’IFEX rapportent que la plupart d’entre eux ont été assassinés dans
leur propre pays. Ce sont les journalistes locaux qui paient le prix le
plus lourd pour informer le monde des guerres, des élections, de la
corruption et de la censure, ou encore de la destruction de
l’environnement. Dans leurs rapports de fin d’année, les membres de l’IFEX
mettent en lumière la façon dont les journalistes sont visés à cause des
guerres, de l’impunité et des élections.
Dans son bilan de 2009 intitulé « Guerres et élections contestées : sujets
les plus dangereux pour les journalistes », Reporters sans frontières (RSF)
recense une augmentation de 26 pour 100 du nombre des journalistes tués par
rapport à 2008 - ce nombre en effet est passé de 60 à 76. Le groupe cite le
massacre de 31 journalistes aux Philippines, survenu en période électorale,
et la rafle brutale de journalistes et de blogueurs iraniens, les
arrestations et les condamnations dans le sillage d’élections contestées,
comme les événements les plus « dramatiques » de 2009.
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) recense au moins 68
journalistes tués en 2009 - le nombre annuel le plus élevé jamais recensé
par le CPJ - conséquence de tendances violentes à long terme. « La plupart
des victimes ont été des reporters locaux qui couvraient la nouvelle dans
leur propre communauté. Les auteurs présumaient, d’après les précédents,
qu’ils ne seraient jamais châtiés. Que les tueries aient lieu en Irak ou
aux Philippines, en Russie ou au Mexique, changer ce postulat constitue la
clé pour réduire le nombre des morts. » Aux Philippines, le gouvernement
laisse faire la violence politique contre les journalistes; celle-ci « est
devenue un trait culturel », dit le CPJ.
Un grand nombre des pays les plus agressifs à l’égard de la liberté de la
presse ont des antécédents d’impunité, dit le CPJ. Trois journalistes ont
été tués en Russie, dont Abdulmalik Akhmedilov, un rédacteur du Daghestani
qui critiquait sévèrement les responsables du gouvernement parce qu’ils
réduisent au silence la dissidence religieuse et politique. Au Sri Lanka,
le rédacteur Lasantha Wickrematunge, connu pour ses reportages critiques
sur le gouvernement, a été battu à mort à coups de barre de fer et de
bâton.
La Fédération internationale des journalistes (FIJ) est arrivée au total de
137 journalistes et travailleurs des médias tués en 2009 - 113 d’entre eux
dans des attentats ciblés. La liste de la FIJ est coordonnée avec
l’International News Safety Institute (INSI) et inclut 24 décès
accidentels, contre 109 homicides en 2008. Elle inclut en outre tous les
employés des médias morts au travail. L’année s’est terminée par une «
flambée de meurtres dans les médias », dit la FIJ; un bilan affreux qui
devrait pousser les gouvernements à en faire plus pour protéger les
journalistes.
Les autorités iraniennes ont été submergées par l’opposition aux élections
de juin et ont réagi avec brutalité en arrêtant des journalistes. « Cette
vague de violence augure mal de l’année 2010, au cours de laquelle des
élections clés auront lieu, notamment en Côte d’Ivoire, au Sri Lanka, en
Birmanie, en Irak ou encore dans les Territoires palestiniens », dit RSF.
La violence électorale contre les journalistes s’est aussi déchaînée en
Tunisie et au Honduras, rapportent les Journalistes canadiens pour la
liberté d’expression (CJFE) dans sa revue de fin d’année.
Pour la première fois, RSF a recensé en 2009 les journalistes contraints de
prendre le chemin de l’exil, dont le nombre s’établit à 160 environ. Les
chiffres sont particulièrement troublants en Iran et en Somalie, où plus de
50 journalistes ont fui chacun de ces deux pays, ainsi qu’au Sri Lanka, que
29 journalistes ont quitté. Les régimes répressifs, dit RSF, comprennent
qu’en « poussant les journalistes à l’exil », ils peuvent réduire les vues
pluralistes et la critique des politiques gouvernementales.
Le Syndicat national des journalistes somaliens (National Union of Somali
Journalists, NUSOJ) relate en détail une année épouvantable dans son
rapport de fin d’année, « War on Journalism in Somalia: Death, Displacement
and Desolation » (Guerre contre le journalisme en Somalie : Mort,
déplacements et désolation). Sept des neuf journalistes tués en 2009 ont
été assassinés à Mogadiscio. Le rapport ajoute qu’un grand nombre des
tueurs sont connus, mais la culture d’impunité, dans l’anarchie la plus
totale, a exacerbé la crise contre les médias.
Le rapport documente 9 décès survenus dans les médias, 12 journalistes
blessés, l’arrestation de 15 travailleurs des médias, des descentes contre
les médias et des menaces de mort qui ont forcé de nombreux journalistes à
fuir le pays. Les journalistes indépendants et crédibles doivent choisir
entre passer leur vie en exil et courir le risque d’être assassinés s’ils
poursuivent leur travail.
D’après RSF, au moins 167 journalistes étaient en prison dans le monde à la
fin de 2009. L’Érythrée compte le plus grand nombre de journalistes
derrière les barreaux en Afrique, avec 32 détenus. Au moins un journaliste
est agressé ou arrêté chaque jour au Moyen-Orient. Le nombre des agressions
physiques et des menaces s’est accru du tiers à l’échelle mondiale. Les
Amériques ont connu le nombre le plus élevé d’agressions et de menaces. En
Asie, le Pakistan, le Sri Lanka et le Népal ont aussi recensé un nombre
élevé de violations. Les enlèvements se sont multipliés, surtout en
Afghanistan, en Somalie et au Mexique. De plus, le nombre des affaires de
censure s’est élevé à près de 570 cas de journaux, de stations de radio ou
de télévision fermés à travers le monde.
La dissidence s’exprime de plus en plus sur Internet, rapporte RSF, et
celui-ci est devenu dans plusieurs pays un puissant outil dans les
campagnes pour la démocratie. En conséquence, le blocage de sites web et la
surveillance en ligne s’accroissent, l’Arabie saoudite, la Chine, l’Iran,
l’Ouzbékistan, la Thaïlande, la Tunisie et le Viêt-nam figurant parmi les
pires délinquants. RSF signale l’incarcération de plus de 100 blogueurs et
cyberdissidents à travers le monde parce qu’ils affichent leurs opinions en
ligne. Deux blogueurs azerbaïdjanais ont été jetés en prison pour avoir
monté une vidéo dans laquelle ils se moquaient de l’élite politique. Le
nombre des pays touchés par la censure en ligne a doublé, dit RSF.
Le Réseau arabe d’information sur les droits de la personne (Arab Network
for Human Rights Information, ANHRI) a rendu publique une mise à jour
régionale de fin d’année, dans laquelle il documente la répression de la
liberté de l’Internet dans 20 pays arabes. Le rapport, « One Social
Network, With a Rebellious Message » (Un réseau social avec un message
rebelle) décrit en détail comment les gouvernements bloquent et censurent
l’Internet et limitent la dissidence au moyen de l’enlèvement, de
l’arrestation et de la torture de ceux qui critiquent en ligne. Mais le
rapport décrit aussi l’Internet comme un outil qu’on ne peut pas arrêter
dans la lutte contre la répression. Le rapport examine comment les blogues,
les sites Facebook et Twitter et YouTube servent à lutter en faveur de la
libre expression et mettent à nu la corruption dans le monde arabe.
Dans la région arabe, on compte 58 millions d’usagers de l’Internet, 150
000 blogues actifs et 12 millions d’utilisateurs de Facebook, indique
l’ANHRI. L’Égypte compte 15 millions d’usagers de l’Internet et réprime
aussi très fortement les militants sur Internet. L’Arabie saoudite et la
Tunisie se classent comme les surveillants de l’Internet les plus
oppressifs.
Ailleurs dans le monde, le rapport de fin d’année d’ARTICLE 19 signale que
la liberté d’expression est en « retrait » en Europe. En Italie, 10
journalistes ont été placés sous protection policière pour avoir couvert
les activités de la mafia. Le premier ministre Silvio Berlusconi a affirmé
publiquement qu’il « étranglerait » toute personne qui couvrirait les
activités de la mafia parce que cela donnait une image négative de
l’Italie.
En Espagne, des journalistes ont été attaqués par des militants
basques.
En Finlande, un journaliste a reçu de la police l’ordre de cesser
de couvrir une manifestation; il a été retiré violemment de celle-ci et
détenu pendant 18 heures. Le rapport inclut des exemples de l’effet peu
rassurant qu’ont pour la libre expression les lois pénales en matière de
diffamation, les répercussions des lois antiterroristes sur la liberté de
parole, et la violation du droit des journalistes à protéger leurs sources.
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